Moi. L’infertile. Une histoire de jalousie chronique

Peut être que tu juges que je devrais me compter chanceuse, j’ai deux magnifiques garçons en santé. Effectivement. Je suis privilégiée et j’en suis consciente. Cependant. J’ai toujours rêvé d’avoir une grosse famille, 3-4-5 enfants. Le troisième sera autant désiré que le premier. Même chose pour le dernier. Ça me brise le cœur de devoir me justifier sur la peine que ça me fait, de devoir peut être faire le deuil de ces bébés-là. Ces bébés que j’aime d’ailleurs déjà. Parce que mon corps de femme est brisé. Parce que mes ovaires sont un désert aride.

Quand je vous écoute parler d’avortement pis de pilule du lendemain. Vous, les filles fertiles. Les filles qui tombez enceinte en 1-2-3-4-5-6 … mois. Vous, les filles stables, les filles rangées, les filles prêtes. Mais pas si prêtes que ça. Les filles qui avez le luxe de décider ce sera quand, vous qui avez le luxe d’avoir confiance que ça arrivera quand vous aurez décidé que ce sera le bon moment.

Ça me tord à l’intérieur. La jalousie me ronge les entrailles. J’ai le goût d’hurler. Je vous écoute me dire que c’était pas le bon timing. Qu’idéalement .. D’ici 3-6 mois, ce serait parfait. J’essaie fort d’être empathique. J’essaie fort de me mettre à votre place. Mais la vérité c’est que j’y arrive pas. La vérité c’est que j’ai crissement le goût de pleurer. Je le prendrais les bras ouverts moi le petit bébé surprise qui déciderait de s’accrocher à moi.

Le petit bébé qui risquait de venir chambouler tes plans à court terme, mais que tu vas vouloir à moyen terme. Je le voudrais donc ben fort moi. Pis tout de suite à part de ça. Je te juge pas. T’es chanceuse d’avoir la chance de pouvoir prendre une chance de faire ce choix là. Avec confiance qu’au moment où tu le souhaitera, tu retomberas enceinte facilement. Je suis jalouse puissance mille.

Et même si j’ai deux magnifiques Garçons en santé aujourd’hui. Même si suis je privilégiée, choyée, bénie. Je resterai toujours une infertile dans ma tête, dans mon cœur et dans mon corps. La détresse psychologique et émotive que cet état m’a fait vivre me marquera à jamais. Je ne sais pas si un jour j’arrêterai d’avoir mal à mon corps de femme à chaque nouvelle grossesse qu’on m’annoncera. Je ne sais pas si un jour j’arrêterai d’être envieuse de toutes les femmes enceintes qui passeront dans ma vie.

Il y aura pourtant bien un jour où je devrai décider que c’est assez. Que mon corps en aura assez enduré. Je ne sais pas si j’arriverai à trouver cette paix intérieure. J’ai été privée de la douceur de choisir combien d’enfants mon corps allait porter. J’en veux à la vie. Même si y’a ben pire. Même si « je suis encore jeune » pis « qu’on sait jamais ce qui peut arriver ».

Je suis consciente que c’est à moi que je fais le plus de mal. Que chacune doit faire face à sa réalité. Que chacune est libre de choix en ce qui concerne son corps, en ce qui concerne sa vie. Je suis consciente qu’un enfant c’est une grande responsabilité. Je suis consciente que c’est toute une chance qu’on offre à un bébé, que de pouvoir lui créer les meilleures conditions d’arrivée dans la vie. Je suis consciente aussi qu’aucune femme ne prend ces décisions à la légère et qu’entre nous on doit se soutenir.
Donner la vie ou pas, ça devrait être un choix, comme ce l’est pour toi, la fille fertile. Malheureusement ce ne l’est pas tout le temps.Aujourd’hui j’ai une pensée pour toutes les mamans qui comme moi, portent présentement des bébés dans leur cœur. À défaut de les porter dans leur ventre.

Author: l’Emmèredeuse

L’emMÈREdeuse, c’est moi : Catherine.
Maman de deux (petits monstres) adorables garçons : Tom le dresseur de loups et Henri le Bébé Loup.
Je suis copropriétaire d’une famille recomposée remplie d’amour et de folie.
Ma plume prend parfois des chemins humoristiques, parfois des plus sérieux, mais toujours ceux de l’authenticité et de l’humilité.
Maman Louve à mes heures. Je partage avec vous les petits et grands moments de mon quotidien de maman.
De maman ben ordinaire.
Qui travaille à temps plein … Pis qui fait son gros possible.