À toi, la maman désorganisée de la garderie.

À toi, la maman désorganisée de la garderie.

Je t’ai vue tantôt, vers 16h30, venir chercher ton grand, avec ton petit en dessous du bras. Ton petit qui marche pas encore pis qui pèse trois tonnes et quart. Ton tout petit qui pète sa coche juste à la vue de son manteau d’hiver. C’est parce que je dois te dire que j’étais là aussi, en même temps que toi à la pouponnière.

Je t’ai vu essayer de garder ton sourire :

»Ben voyons mon petit chat, c’est l’hiver, on a pas le choix! Maman va te donner un … gros bisou ! ».

Ta voix trop faussement enjouée trahissait ton exaspération, maman. Je le sais que c’est pas parce que t’es pas contente de retrouver ton bébé ma belle, c’est parce que t’as ta semaine dans le corps.

Tant qu’à être dans les confidences, je vais aussi te dire que je t’ai vu te stationner à côté de moi. Je t’ai vu prendre une grande respiration avant de débarquer de ton auto.

»1-2-3 go ! Prête pas prête j’y vais! »

C’est le début de ton deuxième shift. Pis en plus, je t’ai entendu dire à l’éducatrice que ton chum travaillait tard cette semaine. Courage mama ! C’est vendredi. Un dernier petit effort.

Ça fait que t’as traversée du côté des grands avec ton bébé hurlant. Ton grand champion t’a sauté dans les bras. »MAAAAAMMMMAAAAAN!!! » et t’as failli tomber sur le dos. Mais ça n’a pas trop paru que ça t’avait agacé maman, non. Je le sais bien que dans ton cœur, ces élans d’amour-là valent plus cher que de tomber sur les fesses sur le plancher mouillé du vestiaire de la garderie.  Mais on va se le dire, à soir, t’aurais juste voulu vous téléporter tous les trois jusque dans l’entrée bordélique de votre petite maison.

T’avais prévu faire juste un in and out. Genre le plus vite possible. Mais son éducatrice voulait te parler, alors tu as demandé à ton quatre ans d’aller mettre ses bottes comme un champion en attendant. T’aimes ça, quand elle prend le temps de te raconter des anecdotes de ton coco, ça te fait plaisir qu’elle prenne ce temps-là. Mais à soir… Tu te l’aurais joué plutôt incognito. Pis tu as eu de la difficulté à saisir tout ce qu’elle disait parce que tout petit pleurait, mais tu gardais le sourire. Un peu figé je t’avoue par contre. Je t’ai regardée sautiller doucement sur place pour tenter de réconforter bébé. Essayer de le chatouiller pour le faire rire. Puis essuyer discrètement son nez avec la manche de ton manteau.

Puis tu t’es retournée : plus de traces de ton grand. T’as soupirée et t’es partie à sa recherche.

»Viens t’en ici! » que t’as dit un peu plus fort que tu l’aurais voulu. Pis il est retourné dans le vestiaire en criant riant, et en courant à toute vitesse.

»En marchant que j’ai dit ! » que t’as ajouté en serrant des dents, et en faisant un signe de tête à la maman de Je-Sais-Pu-Qui qui te saluait. T’as toujours l’impression d’être la maman du petit tannant. Qu’est-ce que tu veux. C’est de même pis c’est tout.

Le même mini-tout-petit-vestiaire que tu venais tout juste de quitter est maintenant rempli. De papas et de mamans venus chercher leurs enfants. De papas et de mamans qui ont l’air ben en masse en contrôle de leur progéniture eux-autre. Tu les imaginais, cuisiner en arrivant à la maison, petit verre de vin à la main, dans le calme, pendant que leurs enfants jouaient tranquillement au salon et qu’une petite musique d’ambiance venait compléter la lumière feutrée à l’ambiance relaxante. Pis pendant que t’étais perdue dans tes pensées, ton grand tannant était rendu debout sur le banc, une botte sur la tête.

Soupir.

»Met tes bottes. Non. Mauvais pied. »

Bébé se tortille. Il est aussi tanné que toi.

»J’ai oublié de donner un câlin à mon ami! ».

Soupir.

»Dépêche-toi mon chéri. Enlève tes bottes ».

Et lui il danse en revenant recommencer à s’habiller. Heureux de retourner à la maison avec toi.

J’ai vu ton sourire lentement s’effacer. Zipper le manteau d’une main, chercher les mitaines parmi la centaine qui traînent.

»Il fait pas si froid dehors, viens-t’en! »

En sortant t’as croisé aucun autre enfant sans mitaines. Et aucun autre parent avec les larmes aux yeux.

Je t’ai suivie dehors, je t’ai entendu chanter en attachant ton bébé qui te tapait dans le visage pour lui changer les idées. Parce que s’il est vrai qu’il déteste pour mourir son one-piece d’hiver, il déteste encore plus son banc d’auto.

Je t’ai regardée t’assoir derrière ton volant et te prendre la tête dans tes mains un petit instant. C’est correct. Respire. L’été va bientôt revenir. Call de la pizza pour souper. Prend une heure à la fois, une minute même s’il le faut.

C’est pas vrai que t’es la seule maman désorganisée de la garderie.

Ça ce peut pas. Ben je pense. En tout cas.

Parce que tsé si je suis honnête… la  maman désorganisée de la garderie… ben oui, c’est moi. Je suis souvent à côté de mes bottines,  Je suis la première à juger chacun de mes soupirs et mon ton de voix trop élevé.

Rassurez-moi dont. Je suis pas la seule han ?

Author: l’Emmèredeuse

L’emMÈREdeuse, c’est moi : Catherine.
Maman de deux (petits monstres) adorables garçons : Tom le dresseur de loups et Henri le Bébé Loup.
Je suis copropriétaire d’une famille recomposée remplie d’amour et de folie.
Ma plume prend parfois des chemins humoristiques, parfois des plus sérieux, mais toujours ceux de l’authenticité et de l’humilité.
Maman Louve à mes heures. Je partage avec vous les petits et grands moments de mon quotidien de maman.
De maman ben ordinaire.
Qui travaille à temps plein … Pis qui fait son gros possible.