À toi qui pense que je devrais me botter le derrière et retourner travailler.
Merci-pas-merci de me dire comment je devrais vivre ma dépression.
T’as ressenti le besoin de me partager ton opinion à propos de ma dépression. T’as même poussé l’audace à me suggérer le remède miracle. Selon toi : me botter le cul et retourner travailler.
Mais tu sais quoi ? Ton opinion mon cher ami, je m’en serais passée. Parce que tsé, visiblement, toi tu la détient la fameuse vérité. Tu sais comment régler ça toi, la maladie du siècle : »aweille la grande e-retourne travailler. Lâche de faire ta paresseuse ». Parce que tsé, c’est clair que mon problème, c’est que je manque de cœur, que j’tune os*ie de lâche.
Toi, tu sais comment ça marche les dépressions pis toute la patente. Tu connais ça les dérèglements de neurotransmetteurs dans le cerveau, les anti-dépresseurs, les anxiolitiques, les stabilisateurs de l’humeur pis toute pis toute. Clairement, t’as une formation de psychiatre toi. T’as un doctorat.
Sauf que t’as décidé de rediriger ta carrière dans un garage. Pour le fun, juste de même.
Je devrais juste ignorer tes commentaires. Faire comme si ça me blessait pas. Faire comme si je t’entendais pas. Mais j’ai beau être en dépression, j’ai pas de problème d’audition. Même que j’entends ben fort ma mère en mode repeat dans ma tête : »Ignore-les les pas contents ».
Pis tu veux tu ¸savoir quoi mon cass de bain ? Je vais te le dire. Parce que ça l’air que t’es pas tout seul de ta gang. Vous êtes une trollée de pseudos-spécialistes-en-santé-mentale-qui-se-sentent-obligés-de-partager-leurs-opinions-et-conseils-de-marde-à-deux-cennes.
La dépression, c’est une maladie.
Ben oui ! Une vraie maladie chose. Même si elle est invisible. C’est genre tellement souffrant, que des fois j’ai le goût de pas me réveiller le matin. J’ai pas tant envie de mourir en tant que tel, je suis juste tellement épuisée psychologiquement et physiquement que j’ai pu aucun espoir d’aller mieux un jour. De retrouver une vie un tant soit peu normale. De retrouver ma joie de vivre et un peu de légèreté.
Des fois, je pars en voiture, et je dois arrêter sur le bord de la route parce que je ne me souviens plus où je vais. Ça me fait vivre un sentiment d’angoisse qui ne s’explique pas avec des mots. Je vis dans la peur d’avoir une maladie encore plus grave au cerveau. D’oublier qui je suis et ceux que j’aime. De partir un beau matin et de ne plus jamais revenir. Parce que je ne retrouve plus ma maison.
Je ne dors plus la nuit. Je ne connais aucun moment de repos. Ni physique, ni psychologique.
Je cherche mes mots constamment, je bégaye. J’ai de la difficulté à structurer ma pensée, à tenir une conversation. J’ai l’air d’une attardée.
Je suis incapable de prendre une décision. Quelle qu’elle soit. Et ça me fait vivre du désarroi, et tellement de colère. Contre moi. Choisir mes bas peut me prendre des heures, ce qu’on va manger pour souper aussi. Ce n’est pas que j’ai peur de faire le mauvais choix, je suis tout simplement incapable de choisir. Entre blanc ou gris, entre fraise ou bleuet, entre oui ou non, jupe ou pantalons.
Tout me demande un effort extraordinaire. Je me lève le matin pour mes enfants, mais c’est extrêmement difficile. Je les aime ! Ça a juste pas de sens comme je les aime. Mais j’ai l’impression d’avoir le cerveau dans le Jello je suis pas au top de ma game de maman, clairement. Je vois que ça fait réagir mon grand, il me le fait vivre, il n’est pas capable de le dire avec des mots, mais c’est difficile pour lui que maman ne soit pas comme avant.
J’endure pu personne. Je me sens toujours seule. Même au milieu d’une foule. J’ai envie de pleurer quand on me dit bonjour. J’ai l’impression que personne ne comprend quand je dis que je suis »à boute », fatiguée, que j’en peux plus… Je voudrais qu’ils entendent dans ma voix que c’est pas juste des façons de parler. Je voudrais demander de l’aide souvent, mais j’ai peur du jugement. De passer pour une mauvaise maman, soeur, fille amie, blonde, juste une mauvaise toute. Je voudrais souvent disparaître, tsé, arrêter de faire vivre ça aux gens que j’aime.
Je suis pas en vacances. Je te le jure. Je me la coule pas douce. Oh que non.
Je sais pas si t’as encore envie de me dire de me fouetter pis de retourner à la job. Non ce n’est pas ce qui va guérir ma dépression de retourner travailler. Dans mon travail, je suis responsable de plusieurs jeunes. Je dois quotidiennement prendre des décisions reliées à leur sécurité.
Admettons, on jase là. Que je me retrouverais responsable de ton kid à toi… Tu trouverais ça comment que ce soit moi qui soit en charge de lui, tsé la fille qui pleure dans l’allée d’épicerie parce qu’elle est pas capable de choisir entre le macaroni ou le fusilli. La fille qui reste sur le bord de la route pendant 45 minutes à essayer de respirer calmement parce qu’elle se souvient pu on est quel jour et où elle s’en va.
J’pas certaine que tu tripperais han mon homme ?
Ce qui va me guérir, c’est le temps. Le repos. Faut que je prenne soin de moi, pis ça, personne m’a appris à le faire. J’accepte doucement que ça prendra le temps que ça prendra. Fake la prochaine fois mon big, ravale tes petits conseils, ça va être ça la meilleure façon de m’aider : ne pas me faire profiter de ton expertise en domaine de santé mentale.
Author: l’Emmèredeuse
L’emMÈREdeuse, c’est moi : Catherine.
Maman de deux (petits monstres) adorables garçons : Tom le dresseur de loups et Henri le Bébé Loup.
Je suis copropriétaire d’une famille recomposée remplie d’amour et de folie.
Ma plume prend parfois des chemins humoristiques, parfois des plus sérieux, mais toujours ceux de l’authenticité et de l’humilité.
Maman Louve à mes heures. Je partage avec vous les petits et grands moments de mon quotidien de maman.
De maman ben ordinaire.
Qui travaille à temps plein … Pis qui fait son gros possible.
J’ai été deux ans en dépression, avec les mêmes symptômes et de plus les idées suicidaires.
J’étais clairement pas la candidate type pour faire une dépression à 24 ans. Une première de classe rieuse et dont les collègues remarquent toujours la bonne humeur.
J’ai dû arrêter de travailler pendant 17 mois. Les plus longs de ma vie. Il était impossible pour moi d’admettre que j’étais en dépression malgré mon diagnostic par 2 top psychiatres du pays. Je restais à la maison pendant de longues heures et je me sentais tellement coupable d’être là à rien faire. Un jour, j’ai eu une longue conversation avec la mère d’une de mes amies qui a eu une dépression. Elle m’a dit que c’était à moi de prendre le temps de me regarder en face et de prendre le temps de me soigner comme il faut parce que sinon je serais peut-être plus là. Et que je devais au moins à ma famille d’essayer et de prendre ça au sérieux.
Exaspérée, j’ai dis à ma mère que je ne voulais plus être là parce qu’être là faisait trop mal et que j’étais incapable de rien faire comme il faut. Ma mère m’a regardée droit dans les yeux et m’a dit d’un ton ferme qu’elle n’accepterait jamais que je ne sois plus là. Ce ne serait jamais envisageable pour elle que j’abandonne. Elle m’a dit: « Tu peux être découragée et tu peux prendre un break, mais tu peux pas abandonner. Nous, on abandonnera jamais de croire en toi. »
Quand j’y pense aujourd’hui à la fille que j’étais, ça m’enrage. Je retournerais dans le temps pour me dire que c’est correct de ne pas être correcte et de prendre mon temps.
Aujourd’hui je parle ouvertement de ma dépression à tous. Mes collègues. Mes amis. Ma famille. Je le fais avec défi. « Toi? Une dépression?! » Ouais, moi une dépression. J’ai une si grande peur qu’il y ait des gens qui s’isolent et vivent ça dans le silence autour de moi que je me fais un point d’honneur d’en parler ouvertement.
Je m’en suis sortie. Ça fait maintenant 2 ans et je vais très bien. Je suis sortie très grandie de cette expérience. Je ne suis plus la même, mais pour le mieux. J’ai plus de gratitude envers les gens qui m’entourent et la chance que j’ai dans ma vie. J’ai plus de compassion: je sais que les autres vivent beaucoup plus que ce qu’il semble transparaître.
Mais surtout, je suis beaucoup plus heureuse. Je profite de chacun de mes petits bonheurs comme si c’étaient les derniers car lorsqu’on perd temporairement la capacité d’éprouver de la joie, on s’aperçoit à quel point c’est précieux.
Laisse-toi du temps. Je le sais que tout va bien aller, j’ai foi en toi même si toi t’as perdu cet espoir. Un matin tu vas te réveiller, et un petit bonheur va te transpercer. Il s’envient. Je le sais. En attendant, reposes-toi et sois indulgente envers toi même.
merci beaucoup d’avoir écrit ce beau texte rempli d’espoir et de compassion, je me sens bien le lisant, je me sens comprise en le lisant.
continue ton beau travail dans toutes les sphères de ta vie <3